Un Pedibus qui transforme son quartier et grandit pour devenir Vélobus
Rencontre de Cédric Montangero, accompagnateur Pedibus à Uvrier (Sion) depuis 2019
7 octobre 2022 – 8h15. Les enfants déposés, j’embarque mon vélo dans le train régional jusqu’à St-Léonard. Ma destination ? Non, et c’est là que le vélo s’impose, la personne que je rencontre ce matin habite Uvrier, sur la commune de Sion. Village sans gare, à l’extrême limite du territoire de la commune, plus proche de St-Léonard et de sa gare. Le bus m’aurait fait perdre une bonne vingtaine de minutes. Le vélo s’impose ! Pour cette fois, pas besoin d’expliquer mon choix de renoncer à la voiture car mon interlocuteur est le président de Provélo Valais. Mais c’est surtout un exceptionnel papa-Pedibus qui s’engage pour les enfants de son quartier pour améliorer leur trajet vers l’école.
Cédric Montangero, vous guidez la ligne de Pedibus d’Uvrier depuis 2019. Comment a démarré cette ligne ?
Elle a commencé avec une voisine, nous étions les deux à accompagner nos quatre enfants qui étaient en première, deuxième et à la crèche. Le Pedibus se fait souvent avec le vélo cargo, la charrette, la draisienne et des enfants à pied ou trottinette.
Les débuts furent difficiles ?
Changer les habitudes est compliqué, peu de monde a joué le jeu. Les parents avaient de la peine à s’organiser entre eux. Ils continuaient de faire le trajet en voiture jusqu’à quatre fois par jour. Après trois ans, ça prend gentiment, il faut ça pour que tout se mette en place. D’autres enfants se sont ajoutés au parcours mais ils sont indépendants.
Ce changement s’est accompagné d’améliorations au niveau de la sécurité du trajet ?
Le trajet n’était pas sécure au départ, c’était une zone 30 mais les limitations n’étaient pas respectées. Il a fallu deux ans de « bagarres », j’ai un gros classeur de papiers, c’est beaucoup d’énergie quand j’y repense. D’abord, un voisin a proposé qu’on ferme la route au niveau de ma maison pour casser le flux. Ça n’a pas passé du tout. Tous les habitants y étaient opposés. Après plusieurs rencontres avec la commune, un collaborateur des travaux publics a proposé une solution en trois étapes pour faire passer gentiment les changements. Il y a eu des mises à l’enquête chaque trois mois, avec d’abord le passage de la rue en « bordiers autorisés », puis l’installation de « gendarmes couchés » et enfin le passage en zone de rencontre limitée à 20km/h. On a organisé une « fête de la mobilité » en 2020 avec café-croissant et invité les politiciens de la ville, ce qui a contribué à faire bouger les choses. Cette solution en trois étapes a permis des améliorations progressives, les riverains acceptent plus facilement et apprécient ces petits changements. Ils se rendent compte qu’il y a moins de bruit, plus de sécurité, qu’ils peuvent s’arrêter discuter devant chez eux sans être gênés par le trafic…
Quelles ont été les retombées de ces aménagements ?
Les parents osent laisser leurs enfants se rendre à pied, à vélo ou trottinette à l’école. Il y a beaucoup de voisins qui ont renoncé à prendre leur voiture pour ces petits trajets. Ma rue est devenu l’artère principale pour la mobilité active. Les habitant·e·s des autres rues nous envient. Plusieurs enfants ont changé leur trajet scolaire pour passer par notre rue, plus sûre. Ça a donné le ton, une des traversées qui mène à l’école a également été sécurisée avec une barrière pour arrêter les vélos, des gendarmes couchés et un passage piéton et vélo. Ce sont de petits aménagements qui modifient vraiment le sentiment de sécurité. Les voitures ralentissent et les enfants sont plus visibles.
Est-ce que la présence d’une ligne de Pedibus a contribué à ces changements ?
Etre une ligne de Pedibus a été déterminant. Ça nous a donné du poids, je n’étais pas juste une personne individuelle. Si tu arrives à dépersonnaliser le projet, ça aide à faire passer les idées, un groupe de parents et d’enfants a plus de légitimité. On comprend que je ne demande pas quelque chose pour mon confort personnel mais pour le bien d’un grand nombre et pour les enfants.
Il y avait eu d’autres aménagements avant celui de votre rue qui étaient mal pensés ?
Ils avaient fermé une route (des oiseaux) de manière non concertée. Cela a mal passé et le problème a simplement été déplacé sur notre rue. Avec les aménagements que nous avons obtenus, le problème n’a pas été déplacé, mais résolu. Les riverains circulent moins vite, les personnes en transit passent à l’extérieur du village. En revanche, pour le passage devant l’école, il faudrait vraiment fermer la route, au minimum pendant les horaires de rentrée et sortie d’école.
À présent les enfants sont plus grands, comment envisagez-vous la suite pour votre ligne ?
Les enfants qui ont participé au Pedibus deviennent vite indépendants, on leur fait confiance, ils savent se comporter et peuvent faire le trajet seul, à vélo, dès la 3ème année scolaire pour certains. Ils préfèrent faire le trajet avec les copains, sans parents. Mais il y a encore des plus petits à accompagner. Maintenant, notre ligne de Pedibus se transforme en Vélobus.
Le Pedibus, le Vélobus puis l’indépendance… à vélo ou à pied ?
Ils iront à vélo ! On les a habitués très vite à faire les trajets à vélo pour les activités extra-scolaires mais aussi les courses ou les loisirs et c’est ce moyen qui sera privilégié chez nous.
Justement, je me rends, après notre rendez-vous, à la gare de St-Léonard, à vélo. C’est le trajet que les enfants de Cédric Montangero feront lorsqu’ils devront se rendre à l’école secondaire à Sion. En toute confiance pour lui qui les a habitués dès le plus jeune âge à circuler aux abords des routes de manière sécurisée.
Hélène Maret – Coordinatrice Pedibus Valais – 10 octobre 22